Source: Walter (1993) 12-13
"Ils (les serments de Strasbourg ) constituent le plus ancien texte français conservé.
Ce n'est évidemment pas de la littérature mais un document politique de premier ordre pour comprendre l'accession à l'écriture de la langue dite vulgaire.
Pendant le haut Moyen Age (Ve-Xe siècle), on écrivait exclusivement en latin, langue officielle de l'Eglise et du Pouvoir. Pour la première fois dans l'histoire, les Serments de Strasbourg témoignent officiellement d'une notoriété conférée à la langue vulgaire; ils entérinent la naissance du français écrit et tentent de donner une reproduction fidèle de la langue parlée.
Certes, la forme rituelle du serment ôte apparemment toute spontanéité à ce témoignage mais elle n'en est pas moins révélatrice d'une situation géolinguistique nouvelle qui apparaît au moment du partage de l'Empire de Charlemagne.
Un bloc roman et un bloc germanique accèdent à une première forme de conscience collective: ils se posent en s'opposant.
Les Serments se déroulent en deux temps et quatre mouvements.
Deux petits-fils de Charlemagne, Louis le Germanique et Charles le Chauve, scellent une alliance contre leur frère aîné, Lothaire, héritier de la Lotharingie, c'est-à-dire le royaume intermédiaire entre celui de Louis (la zone germanique) et celui de Charles le Chauve (la zone française ).
Les Serments se composent de quatre textes. Les deux textes romans (le serment de Louis le Germanique à son frère et la réponse des soldats (français ) sont suivis de deux textes en dialecte rhénan (le francique): le serment de Charles le Chauve et la réponse des soldats germaniques. Ainsi, les frères s'expriment chaque fois dans la langue de l'autre alors que les soldats parlent leur langue spontanée. C'est le signe d'une relative hétérogénéité culturelle des royaumes qui se traduit par un clivage linguistique en passe de devenir un clivage politique.
Les Serments de Strasbourg sont le symptôme d'une fracture géopolitique et géolinguistique dans l'Europe du IXe siècle. Ils signalent la constitution de deux blocs: le Regnum (futur royaume de France) et l'Imperium (le futur Saint Empire romain qui se présente comme l'héritier du vieil empire romain de l'Antiquité).
Ces serments ont été conservés grâce à un historien du Xe siècle nommé Nithard qui les a insérés tels quels dans son texte latin."
Notes:
Source: Brunot (1966) 147
| |
|
Remarques:
Pour l'amour de Dieu et pour le salut commun du peuple chrétien et le nôtre, à partir de ce jour, autant que Dieu m'en donne le savoir et le pouvoir, je soutiendrai mon frère Charles de mon aide et en toute chose, comme on doit justement soutenir son frère, à condition qu'il en fasse autant pour moi, et je ne conclurai jamais aucun arrangement avec Lothaire, qui, à ma volonté, soit au détriment de mon dit frère Charles.
Si Louis tient le serment qu'il a juré à son frère Charles, et que Charles, mon seigneur, de son côté ne respecte pas le sien, au cas où je ne l'en pourrais détourner, ni moi ni aucun de ceux que j'en pourrai détourner, nous ne lui serons d'aucune aide contre Louis.
Note: Traduction d'après Walter (1993) 13-14.
FINIS
Has paginas fecit JR Luxemburgi 18 VIII 96