Lëtzebuerg-Luxemburg-Luxembourg

Les fonctions du français au Grand-Duché de Luxembourg

Version électronique d'un article publié dans le Lëtzebuerger Land 3, 20 I 2006, pp. 12-16

 

    1. Introduction: Le cadre législatif | 2. Histoire linguistique: 2.1. Le quartier wallon; 2.2. La politique linguistique de l'occupant nazi | 3. Les fonctions du français dans la société luxembourgeoise moderne: 3.1. Le français, langue de l'Etat: 3.1.1. Le français dans les Administrations publiques; 3. 1.2. Le français dans le monde du travail 3.1.3 Le français à l'école; 3.2. Le français, langue d'expression culturelle; 3. 3 Le français, lingua franca

     

3. Les fonctions du français dans la société luxembourgeoise moderne

3.1. Le français, langue de l'Etat

3.1.1. Le français dans les Administrations publiques

Au niveau de l’État — la politique, l’administration - la présence du français en tant que langue écrite est profondément inscrite dans le temps:

  1. dès le XIIe siècle, les comtes de Luxembourg entrent en contact avec le monde roman — Ardennes / Meuse - ;
  2. dès le XIIIe siècle, nous avons au Luxembourg des chartes rédigées en français.
  1. En 1443 (époque bourguignonne), "le français est reconnu langue officielle pour tous les actes de haute administration, employé dans tous les rapports des organes administratifs avec le gouvernement central et le Souverain." (Houdremont, A. "Histoire de la langue française comme langue administrative du pays de Luxembourg." Programme de l’École industrielle et commerciale de Luxembourg 1896-1897 (1897): 3-59, 16.)
  1. En 1839, alors que le territoire du Luxembourg était réduit au seul quartier allemand, le français reste la langue de l’administration.
  2. Au sujet de ce choix, à première vue étonnant l’historien G. TRAUSCH écrit: "Pourquoi ce maintien du français dans un pays où plus personne n’est francophone de naissance ? A entendre certains germanophiles luxembourgeois et nombre de pangermanistes de la fin du siècle, cette option serait avant tout due à l’esprit de routine et de facilité de fonctionnaires peu désireux de sortir des ornières administratives. Sans vouloir sous-estimer les pesanteurs de la fonction publique, on peut écarter ces explications simplistes. Les responsables de 1839 sentaient qu’en abandonnant le français ils toucheraient à une tradition pluriséculaire et risqueraient de détruire irrémédiablement un régime linguistique complexe, mais original et valorisant. En optant pour le français ils ne prenaient pas position contre l’allemand. Ils empêchaient tout simplement ce dernier de devenir la langue dominante." (Trausch 1987: 105).

  3. Ce choix sera entériné par la constitution de 1848 qui dans son article 30 stipule que l’emploi des langues allemandes et françaises est facultatif et que leur usage ne peut être limité.
  1. Enfin par la loi du 24 février 1984 sur l’emploi des langues au Luxembourg, le français est reconnu comme la seule langue de la législation — "Art. 2 Langue de la législation. Les actes législatifs et leurs règlements d’exécution sont rédigés en français. Lorsque les actes législatifs et réglementaires sont accompagnés d’une traduction, seul le texte français fait foi. " et comme l’une des trois langues administratives— "Art. 3 Langue administrative et judiciaire. En matière administrative, contentieuse ou non contentieuse et en matière judiciaire, il peut être fait usage des langues française, allemande ou luxembourgeoise …".

Ces pratiques langagières de l’État luxembourgeois ont eu une influence non négligeable sur le champ linguistique au Luxembourg, à la fois au niveau linguistique proprement dit - le phénomène des interférences - et au niveau de l'emploi des langues, notamment dans le monde du travail et dans le système éducatif.