Lëtzebuerg-Luxemburg-Luxembourg

Les fonctions du français au Grand-Duché de Luxembourg

Version électronique d'un article publié dans le Lëtzebuerger Land 3, 20 I 2006, pp. 12-16

 

    Documentation 4

     

     

    Une page d'ancien rodangeois

    Rodange est aujourd'hui un village luxembourgeois, c'est-à-dire que la langue parlée couramment est luxembourgeoise. Cela n'a pas toujours été. Il y a quelques 80 ans, on parlait à Rodange un patois wallon. Les vieux Rodangeois en savent tous encore quelque chose, mais ne le savent guère parler. Quelques personnes seulement, entre autres, les deux interlocuteurs de la causette suivante: Mme MARTHEL et MELCHIOR PIERRE-DELHEZ .
    Dans l'intérêt du folklore luxembourgeois, nous avons cru qu'il serait intéressant de publier ci-après la petite causerie du soussigné. Nous regrettons seulement ne pouvoir rendre cette tonalité chantante du discours, qui offre à l'oreille un charme particulier.



    Gabrielle et Melchior faillant un brin d'causette asenne


    Lu.- Bonjou, Gabrielle, ça va toujou? Te vas porter la soupe à t'n houm?
    Leille.- Ah, m' pouv' Melchior, çà n' va pus oûa. Les jambes devenant raiddes. L' Antoine, t' n' l' em vuë?
    Lu.- Mais si, il est tout là, un poue pus long. I travaille dans l' caniveau.
    Leille.- Et ti, qu'est- ce qu' t fâ ? T' ê co des biêtes ?
    Lu.- Oue, disjeille, Gabrielle, j' a une pâr de vaches et des pouchiers. Vina voir un poue, la trouille a fâ des jones.
    Leille.- J' n' a ouà l' tang. L' Antoine ê fîe, not vieux là-bache. - Ah, les belles biêtes! Combien qu'i n'y ê d' mâles ? I n' sont pus si chirs, à c'tâou.
    Lu. - I n'y a cinq mâles et daoû femelles. La vieulle est si gentille avou sâou?. Elle ne lâou si fâ pon d' mau.
    Leille.- J' m' a va lu porter à miaigi. J' recauserons un poue t' à l'aoû, quand j'ervarais.
    Lu. - (bourre sa pipe, et s' mette à l'omb' pou s' reposer un poue. Il est fachau pou fauchi.) Ah, t' es de retou, Gabrielle? N'ass tou m' long. I n' ê pou d'appetit, lu ?
    Leille.- Mais si, Melchior, mais il lu farou une petite goutte avant que d' miaigi. Et l' brandevin est si chir à c't aoû ! Il fâ qu'on s'en passiche.
    Lu. - Ah, çà, t' es rageant, ma vieulle. Les aut' coues, el lit' coûtou trente sous. Et à c't aoû, c'est vingt francs.
    Leille.- Cà n' revenrais pus jamâ. A n'hue, i n'y ê pus rin. On n' samuse pus comme avant trente ans, les fiêtes, à c't aoû, ce n'est pus rin du tout. De c' tang-là, on dansou la bagelotte, la quadrille et tout le saint frusquin. A c't aoû, c'est aut' chose qui les y fâ.
    Lu. - Qu'est-ce qui t' veux ? Tout est chiaigi. Il les y fâ don plaigi. C'est pou ça qu' tout est si chir. Ah, si les vieux plon revenu, huit jours soul'mâ! Mais dans une pâr d'anneilles, i n' resterais pus rin des vieux: i ê co l' Jacqui, et l' Jean Rongveaux, et l' Joss et l' père Hei'n de tous les vieux d' Rodange.
    Leille.- Mais tâche-tu donc! J' a envie d' pleurer. Quand je songe à tous les braves vieux que j'a déjà vu partir: Et l' père Maçon, les Wérichasse, la mère Schoss, la Madeleine Toussaing, et l' Mérot, la Finy, et Hâry, et l' Ladurelle ….
    Lu. - C'est bon, tâche-te! C'est la vie du monde. Les uns s'en allang, les aut' arrivont. Bientôt, ce serait not' toû. Il n'y ê pou d'avance de brâre. Parlons d' aut' chose. Je m' va batt' ma faulx.
    Leille.- T' es bintôt fâ d' fâchi'? Il a fâ bon tang, c't annaille. T ê co tout pliên à fauchi?
    Lu. - J' a co un praille à la Culaille. Et puis c'est fâ. Et n' ê n'em trop tôt. On commence à êt' hodé.
    Leille.- J' m' va à c't aoû. Suis en train d' fâre la buaille. I fâ en profiter, tant qu' i fâ bon. Bonjou, mon vieux. (Lui donne la main).
    Lu. - Bonjou, ma vieulle! I n'y ê longtâ qu'on n' se l' ê sarreille.
    Leille.- T' es toujou l' miême. A une aut' fois.



    Version des vocables les plus difficiles:

    Source: Pierre-Delhez, Melchior. "Une page d'ancien rodangeois". Gesangverein La Concorde 1924, 19-20; cf. également Reisdoerfer, Joseph. "Romania submersa. Kurze Darstellung des patois lorrain von Rodange." Die Warte / Perspectives, Kulturelle Wochenbeilage des Luxemburger Wortes, 22 X 1992 1992.